• Dans la Ruelle

    Un texte que j'ai écrit pour une BD que je fais avec des amis

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    Il devait être 17h quand R. se promenait dans la ruelle qui se trouvait derrière la taverne "du petit pinard" dont le vrai nom était Le Petit Pénard pour sans doute désigner le fait que c'était un lieu de tranquillité et d'apaisement, mais il trouvait ça bien plus drôle de déformer ce nom, parce qu'en réalité, ce lieu n'avait rien de "pénard": c'était un lieu très fréquenté par des ivrognes miséreux, cherchant à rajouter quelques grammes d'alcool bon marché dans leur sang déjà complètement souillé par les drogues en circulation dans le quartier. Ce bar était un lieu de rendez-vous pour toutes personnes voulant boire pour pas cher, ou voulant se procurer des substances illégales. Enfin illégales, personne ne leur dira jamais rien vu que tout le monde est corrompu jusqu'à la moelle ici: les gens se tuaient tous entre eux qu'ils soit ennemis ou partenaires, inconnus ou de la même famille. Les quelques gardes qui se hasardaient ici rédigeaient volontiers qu'ils n'avaient rien vu dans leur rapport contre un petit dédommagement. Ceux, encore naïfs qui essayaient de changer quelque chose à ce système en jouant aux petits soldats disparaissent toujours sans laisser de traces; que ce soit dans les rapports de l'armée ou aux yeux du royaume, ils n'ont et n'auront jamais existé. 

    "- Encore un qui a essayé de montrer qu'il en avait une plus grosse que les autres" pensa R. en regardant à sa droite. Une tête décapitée sur laquelle les yeux ont étés soigneusement enlevés et où, sur la langue pendante de la bouche, était marqué au couteau "Sans cou*lles". Le sang n'était pas tout à fait coagulé donc on pouvait penser que ce cadavre était assez récent. Cet homme a probablement été tué par un gang assez important, on pouvait le déduire grâce aux yeux manquants: les yeux était une marque de richesse ici, sûrement dû au fait qu'on en trouve rarement en bonnes qualités. Les gens ici avaient souvent des infections aux niveaux des muqueuses que ce soit conjonctivites, champignons etc. à force de vivre dans un milieu aussi insalubre. Les yeux de bonnes qualité se faisaient donc rare et les riches personnes en possédant, les portaient comme bijoux ou s'en faisaient des cocktails pour augmenter leurs capacités aphrodisiaques, leurs chances d'être immunisés à la peste ou à la variole et autres conner*es du genre. R. avait déjà goûté un de ces cocktails, c'est dégueulasse.

    "Au moins il avait de beau yeux"se moqua R. . Il accéléra le pas parce que bien qu'on soit en plein après-midi, il était dangereux de marcher ici. Que ce soit le matin, l'après-midi ou le soir d'ailleurs. En plus il le sentait.

    Il le savait.

    Il n'était pas seul.

    BAM 

    La main agrippant le cou et déviant le couteau de l'agresseur, R. le plaqua à même le sol avant de saisir le couteau pour s'en servir contre lui.

    C'était une petite fille, de 9 ou 10 ans maximum. Il relâcha un peu son étreinte.

    "-Nooon, s'il-vous-plaît ... j'aurais dû réussir à vous tuer... J'ai ... raté ... Maman..."

    La petite s'était mise à pleurer en appelant sa mère, la moitié de ses propos étaient complètement inaudibles et elle semblait complètement paniquée. C'est sûrement la première fois qu'elle essaye une embuscade de ce genre. Peut-être un enfant obligé de se débrouiller seul parce que ses parents étaient peu présents ou violents à son égare. C'était courant ici les enfants battus, les actes pédophiles voire des trafics d'organes appartenant à des mineurs. Mineurs c'est vite dit, ici on doit apprendre bien plus tôt que partout ailleurs à se débrouiller seul. Cette petite pouvait donc être un de ces cas, mais pourquoi donc appellerait-elle sa mère ? 

    Des larmes coulaient encore sur son visage rose bien que déjà sale, que le temps ne tarderais pas à enlaidir. R. relâcha la fillette.

    Celle-ci fut surprise par cet acte de générosité et resta méfiante. Personne ne pardonnait une tentative de meurtre comme ça. A moins qu'il voulait lui donner faux espoir pour avoir encore plus de plaisir à le lui arracher ensuite ?

    "-Tu peux partir, commença R., fait attention à bien choisir tes victimes si tu veux pas qu'il t'arrive encore des pépins.

    -He..Hein vous... me tuez pas ?

    -Non j'aime pas tuer les gosses, allez file.

    -Je peux pas... Je dois rapporter à manger pour ma mère. Elle est trop fatiguée pour le faire toute seule...

    -Comme la plupart des gens ici. 

    -S'il-vous- plait, sanglota la fillette, elle est fatiguée ...

    -Arrête d'insister, plein de gens ici sont dans le même cas, débrouille-toi"

    La petite refondit en larme et se mit à genou devant R. se prosternant devant lui en mettant sa tête au sol. Elle le suppliait encore et encore.

    Exténué R. flancha:

    "- Ok, OK ! C'est bon ! Tss c'est pas vrai ..."

    Il lui donna un morceau de pain qu'il gardait dans sa poche.

    La pleurnicharde se jeta dessus et le dévora en quelques secondes.

    ~~~~~~~~

    R. apprit que l'enfant s'appelait Mallil et qu'elle habitait dans l'immeuble à côté (bien que l'endroit ressemblait plus à une décharge qu'à une habitation).

    "Ca fait 2 semaines que maman est très fatiguée et qu'elle dort beaucoup. Je pense qu'elle est malade, c'est mieux si je lui apporte des trucs à manger comme ça elle va reprendre des forces.

    -Tu l'aimes beaucoup ta mère ?demanda R. lui ne se souvenait pas vraiment de la sienne. Il a souvent quelques souvenirs qui resurgissaient. Jamais quelque chose de bien joyeux.

    -Oui elle m'a toujours protégé des gens, elle dit que je suis trop petite pour m'en sortir seule.

    -C'est pas faux. Mais ici les gens pensent plus à leur c*l qu'à celui des autres. Si elle se sacrifie pour essayer de te sauver c'est vraiment qu'elle tient à toi.

    -Oui... Elle prend toujours tout à ma place, quand les autres enfants veulent me frapper avec des bâtons, c'est elle qui vient prendre des coups pour moi. Elle me donne toujours le plus à manger possible, même son assiette à elle pour que je grandisse correctement. Je l'aime vraiment beaucoup, même si elle travaille énormément.

    -Elle a ... un travail ? R. était assez étonné, très peu de gens ici arrivent à trouver une source de rémunération.

    -Je sais pas trop ce qu'elle fait, je la voit souvent avec des messieurs mais c'est presque jamais le même. Quand je lui demande, elle pleure et dit qu'elle m'aime plus que tout. Je ne comprend rien...

    -Ah je vois... Ta mère était quelqu'un de bien.

    -Oui d'ailleurs je veux te la montrer, et lui dire que tu m'as aidé, elle va t'aimer toi aussi!

    -Oh c'est pas la peine, je t'apporterais de la nourriture plus tard...

    -S'il-te-plaît, tu as été tellement gentil avec moi!

    -D'accord, d'accord... Rapidement ok ?"

    --------------

    Sur le chemin R. réfléchissait. Ca le perturbait de plus en plus, cette pensée qu'il avait au fond de lui.

    "Dis Mallil ?

    -Oui ?

    -Où est-ce-que vous trouvez le courage d'encore vous protéger mutuellement dans ce monde pourri ?"

    Mallil regarda R. de son petit air angélique et lui fit un sourire :"Je suis peut-être un déchet, mais je défend ma vie".

    Ils arrivèrent devant l'appartement.

    "Maman c'est moi ! J'ai amené quelqu'un!"

    R. s'avança devant un espèce de matelas décomposé sur lequel avait poussé de la mousse et quelques traces suspectes. Il vit une tête de femme tellement maigre qu'on voyait les os de ses pommettes, ses globes oculaires et ses dents ressortir. Elle avait la peau sèche et les quelques cheveux qui lui restait menaçaient de tomber également.

    "-Maman est encore en train de dormir, elle dors souvent en ce moment. Elle est fatiguée".

    Les yeux de la vieille étaient fermés et ça sûrement depuis un moment déjà. De plus une forte odeur commençait à se dégager du corps.

    "-Elle est morte.

    -Maman est juste un peu fatiguée...

    -Non elle est morte, ça doit faire au moins 2 semaines vu l'odeur...

    -Elle est fatigué...

    -Elle est morte puta*n. 

    -Fatiguée...

    -MAIS ELLE EST CREVÉE TA MÈRE BORD*L C'EST PLUS QU'UN CADAVRE!!!

    -LA FERME !!!!

    Mallil s'était jetée sur R. folle de rage, il osait raconter n'importe quoi sur sa mère. Elle était juste en train de dormir. Depuis longtemps...

    ~~~~~~~~

    Le corps sans vie de Mallil gisait à côté de R.

    Elle avait dissimulé un autre couteau sous sa robe, il n'avait pas eu le choix.

    Il jeta un coup d’œil au visage de la petite fille qui avait perdu toutes ses couleurs pour virer à un blanc glacial. Le même que sa mère.

    Il se leva et décida de mettre cette petite famille sous terre.

    Il prit donc les deux corps sans vie et au soleil couchant, les enterra sur une falaise donnant vue sur le château et tout le royaume.

    Ce n'était pas par respect des défunts ni encore moins par tristesse. C'était juste de la pitié envers ces gens qui ont essayé d'avoir un statut social égal à ceux des nobles, d'avoir de la compassion et de l'empathie pour autrui, d'avoir des moments conviviaux en famille, d'avoir une condition de vie décente, d'avoir de quoi se nourrir et vivre dignement, d'avoir de quoi être heureux.

    Parce qu'ici impossible de connaître le bonheur si on est né du mauvais côté, si on est considéré comme une erreur auprès de la société. Parce qu'ici il n'existe ni égalité, ni solidarité, ni compassion. Ici pour atteindre notre but, il faut forger soi-même les fondations de notre empire. Parce qu'ici tu ne recevras d'aide et ne pourra avoir confiance en personne.

     

    Bienvenue dans la réalité.

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  • Commentaires

    1
    Ctcool
    Lundi 27 Novembre 2017 à 02:00
    C toi ki l'a ecrit
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